Du cercle polaire à Paris en train
L’aventure commence sur un défi : comment continuer à partir en vacances avec des amis moins écolos, qui prennent l'avion sans se poser de question.
Pour moi, l'avion à tout va n'est plus une option. Mais pas question non plus de renoncer à mes amis ou à nos vacances si mémorables. C'est ainsi qu'a germée l'idée de ce voyage en train à travers l'Europe, pour relier les îles Lofoten en Norvège, au delà du cercle arctique, à la région parisienne.
Ce parcours, qui m’a emmenée à travers des paysages à couper le souffle, s’inscrit également dans la continuité d'une tradition chère à mon blog (quoiqu'un peu délaissée ces dernières années) : celle des railtrips, les voyages en train. Mais jusque là, j'avais principalement exploré des trajets de courte distance, en prenant très à cœur cette vieille campagne de publicité de Transilien : pas besoin de partir loin pour voyager. Cette fois, l'ambition était toute autre, et il s'agissait également pour moi de vérifier s’il est possible de profiter de ses vacances sans renoncer à son éthique.
Pour préparer ce voyage, je me suis appuyée sur d'autres blogs de voyageurs en train (notamment Le monde en train), qui m'ont rassurée sur la crédibilité du projet et guidée dans mes recherches. C'est dans cette même démarche d'échange et de partage que je publie cet humble retour d'expérience, en espérant qu'il pourra vous inspirer.
Par où commencer ?
Avant de partir, il est essentiel de bien préparer son itinéraire.
Le point de départ pour mes acolytes et moi est Bodø, en Norvège. Partant de là, j'ai commencé par poser les grandes étapes du trajet après avoir consulté quelques cartes ferroviaires et épluché des blogs de passionnés. Voici les grandes étapes du trajet retenu :
Bodø ➔ Trondheim ➔ Oslo ➔ Malmö / København ➔ Hamburg ➔ Köln ➔ Paris ➔ chez moi
D'autres options sont bien sûr possibles, notamment en passant par la Suède, mais il s'agissait à la base de vacances en Norvège !
Évidemment, ce trajet n'est pas faisable en une seule journée, et ce n'est d'ailleurs pas l'objectif. Déterminer ainsi les "escales" permet donc de décider où dormir et bien sûr aussi que visiter en chemin.
Cette étape de planification a été la plus complexe je pense, car elle nécessitait de faire des recherches sur les trajets possibles et leurs horaires, tout en tenant compte des possibilités d'hébergement (ah, mais attention, si on veut vraiment prendre le train qui arrive à X à 22h45, il faut un hébergement proche de la gare et où on peut récupérer les clefs tardivement) et des choses à voir (une journée à Oslo, est-ce que c'est suffisant ? est-ce qu'on prendrait pas plutôt le train d'après pour en profiter plus ?).
Je n'ai pas d'outil spécifique à recommander pour cette étape, nous avons navigué avec diverses solutions : des agrégateurs internationaux qui présentent toutes sortes de trajets aux modes variés aux sites officiels des opérateurs, qui m'ont semblé plus fiables pour avoir les horaires et les tarifs. Nous avons planifié le trajet entier en faisant des recherches de trains et d'hébergements avec des dates fictives, puis avons réservé l'ensemble du voyage sur quelques jours, entre 3 mois et 2 mois avant le départ, en fonction des ouvertures à la vente des différents trains.
Quid du pass Interrail ?
Le pass Interrail est un titre de transport / carte de réduction qui permet de voyager à des tarifs avantageux lorsqu'on traverse l'Europe. J'avoue ne pas l'avoir étudié en détail car son fonctionnement m'a semblé confus : dans certains trains, on peut monter et être en règle juste avec le pass, dans d'autres il faut réserver mais on bénéficie d'une réduction. Le pass n'est pas valide dans son pays d'origine, sauf qu'en fait si, si c'est pour prendre un train qui quitte le territoire et qu'il y a un guichet SNCF qui est au courant. Bref, je n'ai rien compris et j'ai préféré réserver mes trajets bien en avance.
Les étapes
Tog mot Trondheim
Mon trajet a donc commencé à Bodø, capitale du Nordland et la première étape a consisté à rejoindre Trondheim, la capitale du Trøndelag.
Ce trajet est réputé magnifique, mais il est surtout particulièrement long : 729 km, avec 293 ponts et 154 tunnels.
Notre plan initial était de le faire en train de nuit : en effet, à cette période de l'année (mi-juin), il n'y a pas de nuit au dessus du cercle polaire, donc le train de nuit semblait être une bonne option pour profiter du paysage sans "perdre" une journée entière dans le train. Malheureusement, en raison de soucis techniques sur une motrice, le train de nuit ne circulait pas à cette période et n'a pas été mis en vente. Nous avons donc finalement dû opter pour un train circulant en journée, tout en décalant notre programme complet d'une journée.
J'ai acheté le billet sur vy.no, et le train est opéré par SJ Nord.
Concernant le train en lui-même, il s'est révélé étonnamment confortable, avec notamment un bel espace pour les jambes. En plus des équipements habituels et attendus (zone pour les vélos, zone pour les personnes en fauteuil roulant, table à langer, etc), on y trouve plusieurs commodités appréciables tels que des prises et du wifi pour rendre le temps moins long, une voiture restaurant avec de grandes tables pour manger et des comptoirs pour boire un café avec vue sur le paysage. Plus étonnant, il y avait aussi à disposition des petits livrets avec des jeux pour les enfants, et même une zone de jeux pour eux, aménagée dans le wagon de tête.
La seule chose qui m'a manquée pour un trajet si long est l'absence de fontaine à eau, pour remplir sa gourde. Pour une raison que je n'explique pas, tout le monde semble boire de l'eau en bouteille ici ...
Le trajet est en effet magnifique avec une grande diversité de paysages, la voie ferrée lèche les fjords et traverse les montagnes. Un instant, on longe la mer et les petites maisons rouges de pêcheurs typiquement norvégiennes et on peut presque toucher l'eau, puis si on s'assoupit une vingtaine de minutes, on se réveille dans un paysage enneigé très blanc et traversé de torrents.
Au bout de deux heures environ, le train traverse le cercle polaire, qui est marqué des deux côtés de la voie ferrée par des petites pyramides de pierres surmontées d'un globe. Une petite annonce sonore (comme toujours, en norvégien puis en anglais) et un ralentissement du train nous permettent de prendre le temps d'apprécier le moment.
Enfin, après une quinzaine (?) d'arrêts, le train arrive finalement à Trondheim en soirée, avec quelques minutes d'avance et toujours sous un soleil qui semble toujours refuser de se coucher.
Bref, sans aucun doute, un trajet qui vaut le détour !
Trondheim ➔ Oslo
Après une escale d'une courte journée à Trondheim, direction la capitale norvégienne !
Il s'agit là encore d'un trajet assez beau mais assez long, qu'il est aussi possible de réaliser en train de nuit. Nous avions écarté cette possibilité, car nous craignions d'être trop fatigués pour profiter de nos escales en enchainant deux trains de nuit collés à la vitre pour profiter des paysages. Au final, nos plans ont été bousculés puisque nous n'avons pas pu faire le premier trajet de nuit, mais nos escales étaient déjà bien planifiées donc nous sommes restés sur l'option de jour.
Il s'agissait également d'un train opéré par SJ Nord, assez similaire, et j'ai également acheté le billet sur vy.no.
Le trajet est également magnifique, avec encore des fjords, des forêts plus ou moins enneigées et des montagnes majestueuses. Certaines petites gares traversées sont également très jolies.
Nous avons fait une escale d'un jour et demi à Oslo avant de repartir. Il s'agissait de notre dernière escale en Norvège. Nous avions initialement envisagé de faire un crochet par Bergen, connue pour ses fjords magnifiques et aussi pour la ligne de train Oslo Bergen, une des plus jolies du monde ! Mais malheureusement, cela aurait vraiment allongé nos vacances et rentrait difficilement dans le planning.
Oslo ➔ Malmö / København
Le trajet suivant est celui qui nous a donné le plus de fil à retordre et que nous avons acheté en dernier : nous avions initialement prévu un train passant par Göteborg. Mais impossible de trouver ce trajet, que ce soit sur les sites de vente suédois ou norvégiens, même 30 jours avant notre départ, nous n'avions que des trajets extrêmement longs, avec des détours étranges. Nous avons finalement opté pour un car opéré par FlixBus.
Le confort y est bien sûr plus sommaire que dans un train, mais nous sommes arrivés sans encombre à Malmö.
Notre escale prévue était Copenhague au Danemark (København), qui est réputée très chère. Nous avons donc décidé de nous arrêter plutôt à Malmö en Suède et d'y dormir, puis de partir de là pour la journée pour explorer Copenhague. En effet, les deux villes ne sont séparées que par une quarantaine de minutes de trajet en train.
C'est le seul trajet que nous n'avions pas réservé en avance, il s'achète en effet facilement sur les bornes en gare, avec une réduction pour les achats groupés (à partir de 2 personnes) et est très régulier (aux horaires où nous avons regardé, il y avait un train toutes les 15 minutes).
Cela nous a également permis de passer quelques heures dans les rues de Malmö. La troisième ville de Suède s'est révélé assez sympathique, et nous a permis de découvrir l'histoire des Vita bussarna (bus blancs en suédois), une opération humanitaire lancée par la Croix-Rouge suédoise à la sortie de la deuxième guerre mondiale pour rapatrier les scandinaves emprisonnés dans les camps de concentration de toute l'Europe.
Le trajet Malmö ➔ København / Köpenhamn / Copenhague en lui-même vaut également le détour : il emprunte en effet le pont-tunnel de l'Øresund, qui traverse le détroit de mer entre le Danemark et la Suède. Le train est sans places réservées et propose également un wifi, quoiqu'un peu aléatoire.
København ➔ Hamburg
Après la Suède et le Danemark, il nous fallait traverser l'Allemagne. Et j'avais une petite appréhension sur cette partie concernant la ponctualité des trains et l'impact sur les correspondances suivantes, d'autant que ma capacité à comprendre les informations diffusées en cas de perturbation est limitée car je ne parle pas allemand.
J'avais déjà réalisé un Paris ➔ Copenhague en train en une journée, dans d'autres circonstances, pour le boulot (merci au passage à Sergio d'avoir organisé ce trajet, qui m'a sans aucun doute inspirée pour préparer ce voyage en Norvège ! ) et j'avais eu des retards assez conséquents.
Nous avons donc décidé de faire une escale d'une demi-journée à chacune des correspondances en Allemagne. Cette précaution s'est finalement révélée inutile (nous n'avons eu qu'une quinzaine de minutes de retard sur ces trajets) mais je pense qu'elle nous a accordée pas mal de tranquillité d'esprit et nous a permis de continuer de prolonger les vacances en visitant encore de nouvelles villes.
J'ai acheté le Copenhague ➔ Hambourg sur Trainline.
Le trajet comporte une petite curiosité ferroviaire, avec la boucle de Rendsburg. Il s'agit d'une portion de voie ferrée qui passe par dessus elle-même en décrivant un trajet circulaire en pente régulière, tout en contournant un charmant village pour monter sur un pont ferroviaire qui enjambe le canal de Kiel.
Hamburg ➔ Köln
Après une nuit à Hambourg, nous sommes repartis direction Cologne.
Nous avions été intrigués lors de notre préparation par un train particulièrement peu cher opéré par FlixTrain. Nous avons dû rouler toutes fenêtres ouvertes pour compenser l'absence de climatisation, et le wifi n'était que théorique, mais pour ce prix, on peut difficilement se plaindre ...
C'était déjà un peu le cas à Copenhague, mais nous avons été étonnés à Hambourg et à Cologne par l'organisation de l'embarquement en gare, très différent de nos habitudes françaises : les numéros de quai sont connus longtemps à l'avance (parfois déjà renseignés sur les billets au moment de l'achat) et les trains se succèdent très rapidement en gare. Il n'est donc pas rare d'avoir un quai, desservant deux voies, avec des voyageurs de 5 trains différents qui attendent. Cela complexifie les déplacements sur le quai, et aussi le positionnement par rapport aux voitures, puisque celui-ci au contraire n'est affiché en détail sur le quai que pour le prochain train, donc parfois 5 à 10 minutes seulement avant son arrivée en gare. De même, en cas de retard, il faut rester vigilant pour s'assurer d'embarquer dans le bon train, et pas dans celui qui aurait dû passer il y a 10 minutes mais a 7 minutes de retard 🙃
Köln ➔ Paris
Après avoir déposé nos valises en consigne et profité d'une courte escale à Cologne, nous sommes repartis vers Paris.
Nous avons opté pour un Eurostar, acheté sur Trainline.
Notre voyage prévoyait initialement une escale en Belgique, à Liège ou Bruxelles, mais nous avons dû y renoncer quand nous n'avons pas pu acheter le train de nuit Bodø ➔ Trondheim et que nous avons dû ajouter une journée de trajet. Sans grand regret, ces villes sont suffisamment proches pour être explorées lors d'un prochain railtrip !
Encore une petite heure de RER, et nous voilà retournés chez nous après un bien long voyage.
Récapitulatif
Voici un petit résumé des principales caractéristiques de notre périple :
Section | Coût | Durée | Émissions carbone |
---|---|---|---|
🚆 Bodø ➔ Trondheim | 718 NOK soit 31 euros | 9h46 | 12 kgCO2eq |
🚆 Trondheim ➔ Oslo | 656 NOK soit 28,38 euros | 6h31 | 9 kgCO2eq |
🚍 Oslo ➔ Malmö | 33,48 euros | 7h15 | 16 kgCO2eq |
🚆 Malmö ➔ København, puis København ➔ Malmö, puis Malmö ➔ København | 40,5 euros (300 SEK par trajet soit 13,5 euros) | 1h51 | 6 kgCO2eq |
🚆 København ➔ Hamburg | 51,49 euros | 4h38 | 19 kgCO2eq |
🚆 Hamburg ➔ Köln | 14,98 euros | 4h09 | 11 kgCO2eq |
🚆 Köln ➔ Paris | 32 euros | 3h21 | 8 kgCO2eq |
Coût global : Environ 230 euros pour le transport, auxquels s'ajoutent environ 350 euros pour l'hébergement et la consigne, soit 580 euros par personne.
Durée totale : 37h31. C'est long bien sûr, mais le fait de découper le trajet par des villes étapes à visiter le rend plus digeste. J'avais prévu plusieurs livres et des dizaines d'heures de podcast pour passer le temps, et je n'en ai finalement consommé qu'une petite partie.
Émissions carbone : les minimiser était un des objectifs du voyage, on arrive à 81 kg d'équivalent CO2. On remarque ici que les trajets en Allemagne plombent pas mal le chiffre, du fait de leur mix énergétique peu avantageux. Mais c'est quand même 8 fois moins qu'un Bodø ➔ Paris en avion !
Remarque : j'ai utilisé le site lowtrip pour estimer les émissions. J'ai un petit doute sur le Bodø ➔ Trondheim, qui est assez comparable avec le Trondheim ➔ Oslo, alors qu'il me semble que la motrice du premier trajet n'était pas électrique.
80 kgCO2eq, ça me semble raisonnable pour un trajet de cette distance, voici quelques éléments de comparaison, obtenus à l'aide sur site Impact CO2 de l’ADEME :
Au final, le pari est réussi, ce trajet nous a permis de prolonger nos vacances sans trop cramer la planète.
J'ai bien sûr conscience que ce n'est pas à la portée de tous, et que ça nécessite des moyens en argent et en temps, pour planifier soigneusement ses vacances, mais surtout concrètement pour allonger la durée de ses vacances. Mais si vous pouvez vous offrir ce luxe de flâner en chemin, surtout foncez et prenez votre temps ! Car comme le dit la formule consacrée "l’important, ce n’est pas la destination, c’est le voyage"